L’inflation salvatrice !
Les investisseurs ont été surpris par les chiffres de l’inflation américaine publiée ce jeudi. L’indice CPI est ressorti en hausse de 7.7% en glissement annuel pour le mois d’octobre, contre 8.2% un mois plus tôt. Le CPI « Core », hors énergie et alimentaire, a enregistré une hausse de 6.3% contre 6.6% en septembre. Cette inflexion des prix est généralisée.
- Le prix des biens durables ralentit grâce à l’amélioration de l’offre et à une baisse de la demande. Les prix du fret maritime sont en forte baisse et la chaîne logistique s’améliore.
- Le prix des services, hors immobilier, ne progresse pas en rythme mensuel, ce qui est une première depuis décembre 2021. La faiblesse des prix dans la santé ainsi qu’un ralentissement des pressions salariales, ces derniers mois, en sont la cause.
La seule ombre au tableau nous vient des loyers. L’évolution de ces derniers reste très dynamique et devrait le rester. Toutefois, la pression se réduira si un tassement rapide des prix de l’immobilier se confirme.
Ces chiffres représentent le premier indicateur macroéconomique fiable (pour les investisseurs) permettant d’anticiper une détente de la politique monétaire de la FED à un horizon proche. La baisse de l’inflation indique que la politique de l’Institution est en train de fonctionner et qu’elle ne devrait pas insister, au risque de trop enrailler l’économie. Les espoirs se tournent vers une hausse de 0.5% (vs. 0.75%) lors de la prochaine réunion de la FED de décembre.
A la suite de ces chiffres, une mécanique assez classique s’est mise en marche : achat des actions de société ayant une croissance forte, baisse importante du dollar et baisse des taux obligataires américains. En une journée, le S&P 500 prend 5.54% et le Nasdaq 100 a bondi de 7,49%. Tout le secteur des technologies était à la fête. Amazon, Apple, Microsoft ou encore Nvidia grimpent respectivement de 12,18%, 8,9%, 8,23% et 14,33%. Le dollar, contre euro, est passé de 0.9941 à 1.0209 en ligne droite et les obligations souveraines se sont détendues. Le 10 ans US rémunérait 3,81% ce vendredi matin contre 4,10% 24H avant.
Nouveau titre dans la tourmente cette semaine : Teleperformance. Le groupe français est le leader mondial des prestations de services externalisés et de conseil aux entreprises dédié à la gestion de la relation client. L’action de la société a perdu plus d’un tiers de sa valeur jeudi. La raison ? L’ouverture d’une enquête en Colombie après des révélations sur des conditions de travail indignes de salariés du groupe assurant la modération du réseau chinois TikTok. La Colombie n’est pas un pays anodin pour Teleperformance, puisqu’il héberge 10% de ses effectifs pléthoriques, soit 42 000 personnes sur 420 000. Cette annonce a entraîné la vente massive d’une des actions « stars » des portefeuilles. Les fonds ESG ont particulièrement accéléré le mouvement. Pour se défendre, la société a, pour le moment, annoncé un plan de rachat d’actions de 150 millions d’euros (voté au cours de la dernière AG du mois d’avril). Les analystes et investisseurs craignent toutefois que d’autres zones géographiques soient impactées. Même si le groupe est en bien meilleure santé financière, il ne faudrait pas revoir un épisode Orpea ou Solution 30.
Enfin, l’écosystème crypto a été secoué cette semaine. La plateforme d’échanges de cryptomonnaie FTX s’est effondrée en raison d’un manque de liquidités des actifs détenus. Au cours des deux dernières années, Samuel Bankman-Fried (SBF), le patron de FTX est intervenu pour sauver d’autres sociétés cryptos alors que le marché global s’effondrait. Certaines de ces transactions, qui ont été effectuées à travers la société de trading de SBF, Alameda Research, ont entraîné une série de pertes.
Les spéculations autour des problèmes de liquidité chez FTX ont commencé à prendre de l’ampleur au début du mois après que CoinDesk a signalé qu’Alameda Research détenait une quantité substantielle d’actifs illiquides. Le token de la plateforme, le FTT, en faisait partie, causant un problème de contreparties. Pendant ce temps, le PDG de Binance a annoncé que l’échange, qui détenait 23 millions de jetons FTT d’une valeur d’environ 529 millions de dollars à l’époque, allait tous les revendre.
La nouvelle a encore dégradé la confiance dans FTX, entraînant une flambée des retraits. Selon l’article de Reuters, les utilisateurs de FTX se sont précipités pour retirer 6 milliards de dollars de crypto en seulement 72 heures. Le rythme des retraits a rendu la situation catastrophique. Après avoir échoué à trouver un bailleur de fonds ou à vendre d’autres actifs dans un délai très court, SBF a contacté Binance pour demander de l’aide. Le groupe leader du secteur a indiqué avoir signé une lettre d’intention avant de revenir sur sa décision suite aux conclusions d’un audit de la société. La société FTX s’est déclarée en faillite vendredi avec une démission de son PDG emblématique.
Une affaire qui rappelle les cas de Dexia ou Lehmann Brothers dans la finance « traditionnelle ».
